PHYTOPHTHORA CINNAMOMI



La maladie la plus grave, pour le professionnel comme pour l'amateur, est sans conteste le dépérissement du Rhododendron causé par le champignon Phytophthora cinnamomi. Il attaque par les racines et notamment les jeunes plantes moins résistantes bien que les Rhododendrons plus vieux ne soient pas à l'abri lors de saisons particulièrement pluvieuses ou lorsqu'ils sont transplantés dans un endroit au sol trop lourd entraînant un mauvais drainage.



SYMPTÔMES


On peut légitimement soupçonner une attaque du phytophthora quand on constate qu'une plante présente un aspect fatigué et plus particulièrement les jeunes pousses. Sous l'action de ce champignon toute la plante est généralement affectée et une observation attentive montre que les feuilles ont baissé d'un cran, qu'elles ont tendance à prendre la forme d'une cuillère parce que les bords s'enroulent légèrement; leur couleur est nettement plus terne et, au fur et à mesure que l'infection gagne du terrain, les feuilles s'enroulent un peu plus sur elles-mêmes et deviennent vert olive.
On peut s'assurer que l'on est en présence du Phytophthora cinnamomi en ôtant l'écorce jusqu'au bois au niveau du collet. Dessous, en certains points autour du tronc, les tissus sont bruns et non luisants. Si l'on continue d'enlever l'écorce on peut voir que cette (ou ces) zone brune monte le long du tronc et des branches en direction du sommet du Rhododendron.
Parfois cette zone en arrivant à une fourche ne remonte qu'une seule branche. Cette branche seule présente alors les premiers symptômes d'attaque ce qui peut faire penser à un autre champignon le phytophthora cactorum que nous étudierons plus loin. Cette (ou ces) étroite bande peut avoir la largeur d'un fil ou une bonne dizaine de millimètres. Là où elles s'arrêtent commencent les parties encore saines du Rhododendron.
On peut évaluer le degré d'envahissement du Rhododendron en coupant une branche à l'aide d'un sécateur.

On aperçoit alors des secteurs brun clair : ce sont les tissus infectés et des secteurs blanchâtres : ce sont les tissus encore sains. Les canaux qui transportent la sève sont colmatés par le champignon (on pense que cela se fait par l'intermédiaire d'un enzyme ou d'une hormone), affaiblissant de plus en plus la plante. La progression du champignon se poursuivant, on constate que sur l'axe vertical les bandes brunes montent de plus en plus haut tout en s'élargissant à la base, tandis que sur l'axe horizontal les secteurs contaminés s'élargissent et tendent à se rejoindre. Le processus s'accélère alors puisque les canaux par où transite la sève sont de moins en moins nombreux à remplir leur rôle avec pour conséquence une résistance de plus en plus faible de la part de la plante dont l'arrêt de mort est signé. Les feuilles sont alors noires, enroulées comme des cigares du moins celles qui restent obstinément accrochées aux branches.
Le phythophthora cinnamomi attaque par les racines et remonte vers le sommet des branches.



Faire le bon diagnostic.




LUTTE

Les chances de survie pour un Rhododendron attaqué par ce champignon tueur sont minces.
Elles existent cependant puisque certains rhododendrons, après avoir vu la presque totalité de leurs racines détruites, subsistent par une partie superficielle en forme de galette.
Ces nouvelles racines peineront pendant une paire d'années pour nourrir le rhododendron car elles ne pourront prospecter un plus grand territoire qu'après avoir contourné toute l'ancienne motte qui est devenue un obstacle impénétrable. Ce déséquilibre entre les parties aériennes à nourrir et les parties souterraines pourvoyeuses de nourriture est tel que les feuilles seront nanifiées pendant un certain temps. C'est d'ailleurs ce manque de vigueur qui alertera le jardinier. Ce cas de survie est rare et uniquement la conséquence d'un concours de circonstances. Il faut que le rhododendron possède déjà un volume de racines important c'est à dire qu'il doit impérativement être en pleine terre depuis au moins deux ans; il faut ensuite que l'attaque du Phytophthora se produise à la fin de l'été quand la sève est descendante. L'époque de l'attaque est un facteur très important. Le rhododendron véhiculera lui-même d'autant plus vite les toxines qui entraîneront sa perte qu'il sera en pleine sève. Dans ce cas un rhododendron peut être "fusillé" en 15 jours. Par contre, à la fin de l'été la sève ne circule plus : les toxines seront donc plus ou moins cantonnées aux racines, les parties aériennes qui sont bien aoûtées n'ont plus besoin de nourriture et l'évapotranspiration devient quasiment nulle avec les premières pluies d'automne qui favorisent par ailleurs une sorte de bouturage naturel au-dessus des racines pourries. Malheureusement les attaques ont lieu la plupart du temps quand le rhododendron est en pleine sève et, lorsque le jardinier est alerté, les toxines ont déjà colmaté une grande partie des canaux qui véhiculent la sève : il est trop tard. La plupart des gens sont désemparés devant ce problème et vont chercher conseil auprès du "spécialiste" de la jardinerie locale qui leur conseille de mettre de l'ALIETTE (pas donné).

Ce produit est un fongicide systémique c'est à dire qu'il est véhiculé par la sève, et là réside à la fois sa force et sa faiblesse. En effet, son efficacité sera directement proportionnelle à la quantité de produit que la plante pourra disperser en elle ce qui veut dire que plus la plante est déjà atteinte, plus les canaux sont bouchés et moins de produit sera véhiculé; à l'inverse, le maximum de produit est réparti à l'intérieur du rhododendron quand celui-ci est sain et que les canaux ne sont pas colmatés.
Pour être plus explicite disons que l'Aliette fonctionne comme un médicament intraveineux : il est inefficace en cas d'arrêt cardiaque. C'est pour cette raison que je ne crois pas à l'Aliette en tant que curatif. Par contre sa protection est maximum en prévention. Il ne faut pas hésiter à l'utiliser à cet effet qui est, à mon avis, le seul moyen de lutte efficace contre le phytophthora cinnamomi. Au prix du traitement (cette prévention coûte cher) il est donc nécessaire de la réserver aux sujets à risque.

En pleine terre, le pourcentage de rhododendrons tués par le phytophthora est infime. L'épandage d'Aliette ne se fera donc à titre préventif que pour les sujets qui ne sont pas encore bien installés, je pense plus particulièrement à ceux qui viennent de quitter leur container ou encore à ceux récemment déplacés. Arroser le sol à la dose prescrite vers le 15 juin et répéter deux fois le traitement à un mois d'intervalle. Inutile de gaspiller votre argent en arrosant avec de l'Aliette les plantations de plus de deux ans même si vous n'avez pas beaucoup de rhododendrons ou que vous voulez dormir avec la conscience tranquille de quelqu'un qui a fait son maximum. L'expérience montre que le phytophthora atteint moins les rhododendrons en pleine terre que ceux en conteneurs.
Les rhododendrons en pleine terre seraient-ils plus résistants à cette maladie ? Non.

Non, l'explication est à la fois simple et naturelle. Nous avons vu qu'il y avait risque maximum de phytophthora cinnamomi quand deux facteurs étaient réunis : humidité et chaleur et tous les deux dans des proportions au-delà de la normale. En pleine terre et sous nos latitudes il est rare de rencontrer ces conditions. En effet, ou bien le sol est saturé ce qui signifie qu'il pleut depuis un bon moment, que le ciel est couvert et par conséquent il n'est nullement question de températures supérieures aux moyennes saisonnières, ou bien il fait une chaleur canicu-laire ce qui signifie que le ciel est bleu, sans aucun nuage et par conséquent le sol est plus proche d'être sec que saturé. Il manque donc toujours en pleine terre, sauf circonstances exceptionnelles, un paramètre à l'équation maudite et le rhododendron tire simplement avantage d'une situation géographique et météorologique particulières.

Dans les conteneurs c'est l'homme qui apporte l'eau favorisant le bouillon de culture et quand je parlais de circonstances exceptionnelles dans la phrase précédente c'est à lui que je pensais. Il peut, involontairement bien sûr, faire en sorte que les deux paramètres soient réunis. Cela se produit quand, voyant un de ses rhododendrons semblant avoir soif ou bien plus simplement craignant qu'il n'ait soif, il lui apporte de l'eau plus que nécessaire. Il est plus que dangereux de noyer le sol, même si l'on s'absente pour 4 semaines de vacances; c'est prendre un risque gratuit. Tous les apports d'eau, en pleine terre, seront faits de manière à étancher la soif et non de prendre un bain. Les arrosages, quand ils sont nécessaires, se feront donc en plusieurs fois, l'idéal consistant à mettre juste assez d'eau dans la partie qui en manque pour faire la jonction avec la partie qui en est encore pourvue.



PROBABILITÉ

Peu fréquent pour une plante installée en pleine terre depuis plus de deux ans.
Plus fréquent sur une plante récemment plantée en pleine terre et que l'on arrose en période de fortes chaleurs.
Assez fréquent dans la culture en conteneur si l'on ne prend pas de précautions préventives.