A la fin mars 2016 j'ai visité Savill Garden. C'était un des tout premiers parcs que j'avais visité lors de mes pérégrinations en Angleterre et je n'y étais pas retourné depuis plus d'une dizaine d'années.
L'occasion, donc, de voir les changements avec, pour joindre l'utile à l'agréable, un but bien précis : récolter, si possible, du pollen du rhododendron Snowy River.
L'entrée avait bien changé. C'était maintenant un bâtiment moderne avec un toit tout en courbes qui facilitait l'intégration dans le paysage.
Je choisis de longer le parc par la droite pour me rendre plus ou moins directement au pied du Snowy River.
Le premier rhododendron en fleurs est un hybride F1 connu mais peu répandu : Noyo Brave. Sa filiation avec l'espèce arboreum (R. arboreum sous-espèce nilagiricum 'Noyo Chief') est plus que flagrante, l'autre espèce le "yak" (R. degronianum sous-espèce yakushimanum var. yakushimanum 'Koichiro Wada') ayant été complètement dominée. Comme tous les hybrides de "yak" le centre de la corolle s'éclaircit beaucoup au fur et à mesure qu'elle vieillit.
J'aperçois, à quelques dizaines de mètres, à travers le feuillage d'autres arbustes l'objet de mon désir.
La première fois que je l'avais vu, ses inflorescences m'avaient impressionné par le nombre de fleurs qu'elles renfermaient.
Aujourd'hui, j'arrivais un peu tard : les fleurs se fanaient, les corolles se détachaient.
Mais il y avait encore quelques étamines avec du pollen que je récoltais en priant pour qu'un bourdon ou autre insecte ne l'ait pollué. J'étais conscient que je prenais un risque mais impossible de faire autrement dans le cas présent et je ne connaitrais le résultat que dans de nombreuses années.
Au bout de l'allée j'aperçois une serre qui était déjà construite lors de ma première visite. J'y pénètre.
Des rhododendrons que je suppose tendres (ne résistant pas à de fortes gelées) poussent en conteneurs dont ce beau lépidote.
De trop nombreuses étiquettes fichées dans le substrat du conteneur m'intriguent.
Je les déterre et je constate avec amusement que le "staff" se pose, avec raison, des questions : devrait être jaune alors qu'il est rose et blanc.
Le "staff" aurait pu se poser la question bien avant la floraison car le R. seinghkuense possède des feuilles avec un indumentum épais ce qui n'est pas le cas de ce bel "inconnu".
La comparaison était d'autant plus facile qu'il y avait un R. seinghkuense dans un conteneur à l'extrémité opposée de la serre.
Ses pédicelles et calices sont abondamment velus.
L'envers de la feuille est couvert d'un indumentum à longs poils.
Je quitte la serre pour découvrir, une trentaine de mètres plus loin, des plants amputés sur lesquels on n'a laissé que de grosses branches.
Un examen des extrémités montre que ces coupes ont été pratiquées dans une tentative d'enrayer le phytophthora.
Il est toujours triste de voir ce spectacle mais c'est un peu la règle dans le monde végétal ou animal : il faut payer tribut à la Nature.
Le nom de Psyché ne m'est pas inconnu mais je ne me souviens pas d'avoir vu la plante avant ce jour. C'est un hybride F1 entre l'espèce R. fortunei sous-espèce fortunei 'Sir Charles Butler' et l'espèce R. williamsianum. Je me demande ce que recherchait son obtenteur Mr. Hobbie en croisant un port érigé et un port rampant. Je suppose qu'il cherchait plutôt à acquérir une plante résistante au froid adaptée aux rigueurs du climat continental allemand.
Qui n'a pas son Loderi King George ?
Faux. Une fois de plus !
Faux Loderi King George
Je n'arrive pas à comprendre qu'en Angleterre il y ait tant d'erreurs alors qu'il suffit de lire la description faite à l'enregistrement et publiée dans le IRRC : soft pink in bud, opening a pure white, two faint bands of green in throat.
Vrai Loderi King George
Vrai Loderi King George
Il est bien dit que le King George possède deux légères bandes VERTES en fond de gorge !!! De plus, la couleur du bouton est décrite comme étant rose clair !! !
Corolle ouvrant blanc pur !!!
Soyez vigilant car en France les faux Loderi King George sont tout aussi nombreux.
Un rouge vif, peu éloigné, capte mon attention : rhododendron Hope Findlay.
De retour chez moi, en vérifiant la description sur le IRRC je constate que la parenté indiquée a été inversée. Il faut lire (Loderi Group x Earl of Athlone) par Creeping Jenny. Le plus risible (si je puis dire) est que cet hybride a été obtenu dans ce parc et enregistré par eux.
Nettement au-dessus des autres arbres et arbustes environnants un rhododendron blanc se détache sur le ciel.
C'est un rhododendron Boddaertianum. Un champion mesuré en 2010.
Cet hybride pousse également en Bretagne mais je ne connais aucun spécimen qui puisse rivaliser avec celui-là.
Un autre hybride aux corolles blanches dont l'éclat est rehaussé par le soleil est en pleine floraison.
Le White Glory : R. irroratum sous-espèce irroratum par Loderi Group.
Une azalée pousse à côté d'un banc.
Le secteur des azalées n'est pas loin.
Me voici devant une des 50 azalées rapportées par Wilson.
Ces azalées sont plus faciles à retenir par leur numéro.
Je suppose que des étiquettes ont été perdues car il y a beaucoup d'autres azalées en fleurs mais je ne trouve aucun renseignement à leur sujet.
Je me trouve bientôt devant un R. kesangiae que, personnellement, j'aurais éliminé depuis longtemps. C'est contre-productif de laisser en place cette plante chétive. Il me revient en mémoire les mots d'un collectionneur 'Si ce n'était pas une espèce cela ferait longtemps que je l'aurais détruite'.
Quand la collectionnite passe avant l'esthétique on arrive à ces cas extrêmes.
Idem pour ce ...R. thomsonii. Jamais rien vu d'aussi moche.
Un autre à quelque distance est beaucoup plus fleuri mais quel affreux feuillage.
Ce qui n'est pas le cas de ce rhododendron Phalarope, un des premiers hybrides de Cox (1968). C'est un hybride F1 entre l'espèce R. pemakoense et l'espèce R. davidsonianum.
Je retrouve, avec le même plaisir, un hybride qui m'avait beaucoup impressionné lors de ma première visite : le rhododendron Linlithgow, un autre F1 entre le R. thomsonii sous-espèce thomsonii et le R. sutchuenense.
Ce n'est pas le cas d'un des premiers hybrides de "yak", le R. Hydon Dawn. Son feuillage est en piteux état et je n'arrive pas à retrouver la plante qui m'avait émerveillé il y a une dizaine d'années. C'est tout simplement incompréhensible.
La même plante en 2007 en diapositive.
Brrr !
Vite, quelque chose de plus réjouissant comme ce rhododendron Damaris qui tient ses corolles jaune clair de son père le R. campylocarpum sous-espèce campylocarpum. Il est, malheureusement, comme beaucoup d'autres "jaunes" avec un feuillage plutôt pauvre.
J'ignorais (il n'y a malheureusement pas que cela) qu'il y avait une sélection rose du R. sutchuenense. Je me demande comment cela est possible ?
Le IRRC, que je consulte, indique très exactement que c'est une sélection du R. x geraldii.
Le nom est mis en italique et la première lettre en minuscule comme pour une espèce mais le x qui le précède indique que c'est un hybride. Toutes ces "contorsions" parce que pendant très longtemps on a cru que le "geraldii" était une variété du R. sutchuenense avant de s'apercevoir que c'était un hybride. D'où ce grand écart. Du coup la couleur rose s'explique. Il faudra bien un jour écrire rhododendron Geraldii !
Je termine la visite du parc par une rencontre avec un grand classique plus que centenaire (1854) qui se porte comme un charme : Prince Camille de Rohan.
Ah ! si les jeunes générations étaient aussi intéressées par la flore que par la faune...
Savill est un jardin intéressant à visiter mais on en fait vite le tour.
Je trouve que la qualité des plantes a très nettement baissé en une dizaine d'années. Je suppose que l'excès d'eau en est la cause car certaines zones sont limite "marécageuses".
L'étiquetage est honnête. En fin de compte c'est une excellente mise en jambes pour visiter Valley Garden qui le jouxte.