LE RHODODENDRON ONSLOWEANUM







Au début du mois de mai 2013, le 02 précisément, je reçois un mail du Président de la section de Cowichan, Mr. Ian E. Efford me disant que dans un vieux parc de rhododendrons poussent des plantes en provenance des pépinières Barbier (France) dont un rhododendron Onsloweanum.
Il me demande de l'aider dans ses recherches de renseignements. Des documents en pdf sont joints à son mail.

On another matter, there is very old rhododendron park almost within sight of the location for the 2015 conference at which I believe you will be speaking. A great deal of historical research has been undertaken on the origin of the plants in this park as the records for each planting are complete back to about 1900. One question has arisen which cannot be answered by the person in charge of the volunteer group managing the park. May be you can provide an answer. One of the first shipments of rhododendrons to the park was made in 1913 from Barbier Nursery in France. It arrived under the name "Rhododendron onsloweanum". Our society has just been given a cutting of this plant. Have you any idea of correct species name ?


La facture des pépinières Barbier d'Orléans : deux caisses de plantes pour un poids de 265 kg.



Le registre du parc avec une brève description.



La fiche de Wikipedia me permet de découvrir les pépinières Barbier et de lui communiquer quelques renseignements.
J'y ajoute la description du R. Onsloweanum telle qu'elle figure dans 'The International Rhododendron Register and Checklist' (IRRC). Alors que, dans le registre de plantation, les différents éléments de la fleur sont décrits allant du pourpre au rouge, le 'IRRC' parle d'une fleur plutôt rougeâtre devenant blanche avec une tâche jaune.

Wikipedia :
En 1894, Albert créé avec ses deux fils René et Léon et son frère Eugène la Société Barbier & Cie au 16, route d'Olivet à Orléans. Finalement, leur cousin Georges les rejoindra suivi de ses neveux et petits-fils.
La société a été financée en partie par le beau-frère d'Albéric Barbier, Casimir Moullé, marchand de vin à Bercy.
La pépinière va alors s'étendre sur plus de 170 hectares sur cinq sites (La Ferté-Saint-Aubin, Saint-Denis-en-Val, Saint-Cyr-en-Val, Orléans et Olivet). Avec près de 300 employés, Barbier est l'un des principaux employeurs de la région.
Le catalogue Barbier de 1908 compte 254 pages mais les roses n'occupent que 10% du catalogue, avec plus de 800 variétés de roses, dont 35 «nouveaux» rosiers wichuraiana. Les roses constituent alors seulement un quart de la production de la pépinière qui produit aussi soixante-dix variétés de pommes, des abricots, des poires, framboises, mûres, fraises, cassis, pêches, nectarines, prunes, coings, cerises, amandes, noix, noisettes, asperges, rhubarbe et fruits sauvages.
Barbier est l'un des premiers français à exporter vers les États-Unis, mais aussi la Russie, sortant même un catalogue en anglais, une révolution pour l'époque.
On lui doit aussi l'introduction de l'érable « Crimson King » et la propagation de la cerise « Early Rivers ». Plus résistantes, ses plantations de vignes américaines aideront à lutter contre les ravages du phylloxéra.
À la fin de la Première Guerre mondiale, les commandes diminuent. Les années suivantes, les crises économiques de 1929 et 1931 et les lois protectionnistes de Grande-Bretagne rendent l'exportation plus difficile.
La mort d'Albert Barbier en 1931 marque la fin des créations de rose, la dernière rose étant Paul Dauvesse en 1933, nommée en l'honneur du mentor d'Albert. Avec les pressions sur les terres pour la construction de logements, les pépinières Barbier rapetissent, et abandonnent la création de variétés pour devenir simple producteur de plants. L'entreprise ferme en 1972.



J'apprends à cette occasion que la plus grande pépinière Orléanaise à l'aube de la première guerre fut Barbier qui employait plus de 300 ouvriers et qu'elle commerçait dans le monde entier.




Au mois de mars 2014 je découvre qu'un catalogue des pépinières Barbier est en vente aux enchères sur Ebay pour un prix de départ de 20 euros.
C'est la première fois que j'en vois un et de plus, miracle, l'époque correspond.
J'envoie aussitôt un mail à Ian Efford pour lui faire part de cette occasion unique.



Les jours passent et aucune réponse.
Quelques minutes avant la fin des enchères, trouvant trop bête de rater cette exceptionnelle occasion, j'enchéris avec l'intention de leur offrir ce catalogue lors de ma visite en mai 2015. Pour être certain de remporter l'enchère je mise 101 euros mais c'est quelqu'un d'autre qui finalement emporte le catalogue pour 102 euros.
Ma déception est à l'échelle de l'événement.
Trois ou quatre jours plus tard je reçois un mail de Ian Efford tout content de m'annoncer qu'ils (?) avaient emporté l'enchère. Un défaut de concertation avait fait monter artificiellement les enchères.



Ian E. Efford écrit un article qui sera publié à l'automne 2014 dans la revue de l'American Rhododendron Society.
Le titre en est : Si ce n'est pas 'Onsloweanum' qu'est-ce-que c'est ?
Il attire l'attention sur le fait que la description officielle de la corolle ne correspond pas à la fleur de "leur" Onsloweanum. Il émet l'hypothèse d'une erreur d'étiquetage soit à l'expédition, soit ici dans le parc.



Suite à cet article, un Allemand du nom de Odo Tschetsch envoie un mail à Ian Efford pour lui dire que Mr. Schmalscheidt pense que ce n'est pas le "bon" Onsloweanum qu'il possède, lui Schmalscheidt et dont il peut expédier des boutures.

Dear Ian Efford,
Walter Schmalscheidt (if you don't know this name: he is an german expert of rhododendron cultivars) has no computer to write you a mail, so he asked me to do this for him. Mr Schmalscheidt read your article about Rh. 'Onsloweanum'. At his opinion you described the wrong plant. He is sure, that he has the real 'Onsloweanum' and it is different from that in your article.
He likes to get some scions (3 - 4) of your 'Onsloweanum' in end of February/ beginning of March next year, if it is possible. He will send you some scions of his 'Onsloweanum' in return if you are interested.
He told me, he has also some fotos; maybe I can scan them to get them to you. Please let me know, if you are interested.


Walter Schmalscheidt est l'encyclopédie vivante des hybrides. Une référence.



Hartwig Schepker (Directeur du parc de rhododendrons de Brême), Peter Cox et Walter Schmalscheidt.




De mon côté j'ai continué à chercher et je suis tombé sur un article concernant un parc italien, Burcina Parc, établi aux alentours de 1850 à l'Ouest de Milan. Felice Piacenza commença à collectionner les hybrides de rhododendrons au cours de la dernière décennie du 19ième siècle et acheta des plantes sélectionnées en Europe auprès des pépinières Croux et Fils à Chatenay (France) et Van Houtte et Peré à Gand (Belgique).
La détermination des plantes plantées entre 1895 et 1930 a été faite à l'aide des factures et des anciens catalogues des pépinières Croux et Barbier pour la France .

Description du R. Onsloweanum de Burcina Parc :
Corolle campanulée large rose pâle avec une bordure pourpre clair en bouton, ponctuation dorsale. Filaments blanc avec les anthères pourpre clair, style blanc et jaune pâle à la base, stigmate rouge foncé.

Il est à noter que cette description se rapproche plus de celle du R. Onsloweanum canadien que de celle de l'IRRC.







Le 09 mai 2015, je suis parmi la trentaine de membres de l'American Rhododendron Society qui visitent Dominion Brook Parc à l'occasion de la Convention 2015.


La guide explique l'histoire de ce parc et parle des premiers rhododendrons.


Quand elle précise que le rhododendron Onsloweanum a été acheté en France, un visiteur lui signale qu'il y a un "Français ici".
Je raconte donc l'histoire vue de mon côté. La mésaventure des enchères a beaucoup amusé.
La guide qui savait que je venais m'a offert les documents papier qu'elle avait en sa possession : ceux que j'avais reçus électroniquement dans le premier mail de Ian E. Efford.


Le rhododendron Onsloweanum était en fleurs.







Petit moment d'émotion devant cette "page d'histoire".



Conclusion :

Dans sa réponse à Mr. Schmalscheidt, Ian E. Efford note que la description de la fleur du R. Onsloweanum de Dominion Brook Parc ressemble beaucoup à celle du parc italien. Il suggère que la description de l'IRRC est peut-être fausse ?

Thank you for your response to my article in JARS. Mr. Schmascheidt does not think that I have the right plant but, as the article explains, I have no idea of the identification of this plant in the Dominion Park. According to the International Registry, R. 'Onsloweanum' should be white. On the other hand, I have just received a message from Marc Colombel with the following reference from Italy. http://wwwlib.teiep.gr/images/stories/acta/Acta%20598/598_10.pdf.
In this the description of R.'Onsloweanum' is far closer to the plant in Dominion Park. Is it possible that the International Registry is incorrect?


Cet hybride a été créé par Waterer avant 1851 (certaines références disent même vers 1840). Il est plus que probable qu'une erreur de ce style aurait été relevée depuis fort longtemps. Non, la description de l'IRRC est certainement correcte.
Le seul point commun entre Dominion Brook Parc et Burcina Parc est une commande auprès des Pépinières Barbier (ou Croux ?) sensiblement à la même époque.
Je penche donc pour une erreur d'étiquetage. Les pépinières Barbier (et Croux ?) proposaient sous le nom de rhododendron Onsloweanum un hybride qui n'était pas l'hybride créé par Waterer.

Cela peut ou pourrait arriver chez nous, en France, dans un siècle.
Combien de Français ont dans leur jardin un rhododendron étiqueté R. dichroanthum sous-espèce scyphocalyx alors que c'est le rhododendron Golden Gate ? Quand tous ces gens seront morts, dans une centaine d'années, il ne restera aux "chercheurs" que les catalogues des pépiniéristes et les factures pour comprendre comment cette erreur a pu être faite à un tel niveau.



Bibliographie :

Pépinières Barbier
Burcina Park
Dominion Brook Parc
Horticulture Orléanaise




Photos et texte Marc Colombel